Chère ami…
On n’avait rien trouvé près du corps qui puisse tenter de justifier un acte aussi désespéré.
La famille ne comprenait pas ce geste. Personne n’avait senti en elle le désespoir. Personne n’avait décrypté la profonde douleur qui rongeait la jeune femme depuis trop longtemps.
Constance, tremblante de chagrin, avait décidé de découvrir ce qui avait poussé sa cousine à se détruire.
Ses cheveux d’un noir de jais lui collaient au visage lorsqu’elle poussa la porte du petit appartement, en centre ville, où Jude c’était installée quelques temps auparavant. Elle avait traversé le quartier à pied et avait été surprise par une pluie battante et glaciale.
Elle entra et laissa ses chaussures au coin de la porte comme elle l’avait toujours fait.
Elle commença par fouiller la salle de bain. C’était là que le corps de la jeune femme avait été retrouvé.
La jolie brune passa une heure à rechercher dans chaque coin de la pièce un indice, un signe laissé par sa cousine et pouvant expliquer son attitude, mais en vain.
C’est dans la chambre qu’un enveloppe, soigneusement fermée et cachée au fond d’un tiroir, attira son attention.
Il n’y avait inscrit ni nom ni adresse ais on pouvait sentir, à travers la première couche de papier, qu’une lettre s’y cachait.
Constance l’ouvrit délicatement et commença sa lecture.
* * *
Frank,
Je n’ai jamais encore osé rédiger cette lettre.
Etait-ce par timidité ?
Etait-ce par honte ?
Etait-ce par crainte ?
Je ne sais pas.
Aujourd’hui j’ai ressenti le besoin de t’écrire ces quelques mots.
J’ai mal Frank.
J’ai mal, seule, depuis que je t’ai perdu.
Je pense à toi, je manque de toi, souvent.
Tu as été le rayon de soleil dans ma vie morne. Je sais que tu as souffert quand je suis partie2. Je sais que j’ai été lâche de fuir à une période aussi décisive de ta vie.
Je te fais toutes mes excuses.
Je rêve à toi souvent. Mes souvenirs m’envahissent la nuit, je sens encore ta peau contre la mienne et j’entends tes soupirs et les miens qui s’élèvent ensemble. Alors je me sens m’étouffer sous le remord, mais je me réveille toujours à temps.
Ton visage s’affiche devant moi. Je revois tes yeux, tes lèvres. J’entends ta voix me souffler les mots auxquels toi seul savait donner un sens.
J’ai voulu, à plusieurs reprises, revenir vers toi. Mais ce dégoût de moi-même m’en empêchait chaque fois.
J’ai honte.
Je voudrais avoir le courage de t’appeler, juste pour t’entendre me parler. Simplement pour savoir que tu es au bout du fil, comme je le faisais tous les soirs.
J’aimerais tellement ne jamais t’avoir abandonné.
Plusieurs fois, je suis retournée m’asseoir sur ce banc. Celui sur lequel nous nous sommes embrassés pour la toute première fois.
Je crois qu’inconsciemment j’espérais t’y retrouver, mais tu n’es jamais venu.
Du fond du cœur, je te demande pardon.
* * *
Constance replia la lettre, la rangea dans l’enveloppe et la reposa à sa place initiale.
- Ma pauvre Jude est morte d’amour. Réussit-elle à souffler pour elle-même entre deux sanglots.